Pas si chimique que ça la chimiothérapie

Régulièrement, certains patients me demandent s’ils peuvent arrêter de prendre leurs médicaments pour se tourner vers des sources plus naturelles, car ils estiment que tout ce « chimique » n’est forcément pas bon pour eux.

Le même questionnement des patients se produit également fréquemment en oncologie, mais avec la chimiothérapie. Le mot chimiothérapie fait assurément peur et avec raison. Cependant, lorsqu’on y regarde de plus près, il est possible de s’apercevoir que plusieurs médicaments composant la chimiothérapie sont dérivés, voire extraits, de tout ce qu’il y a de plus naturel.

Prenons l’exemple du cancer testiculaire, qui nous intéresse particulièrement ici. La chimiothérapie de base pour ce cancer comprend les dérivés du platine (la cisplatine majoritairement), l’étoposide et parfois la bléomycine. Par ailleurs, le paclitaxel est fréquemment utilisé en cas d’échec à la première ligne de chimiothérapie.

Plus spécifiquement, la cisplatine (et son cousin, la carboplatine) est un complexe dérivé du platine, un métal que l’on retrouve depuis longtemps dans la nature dans les gisements, et qui est maintenant parfois considéré comme un métal plus précieux que l’or.

L’étoposide est un dérivé de la podophyllotoxine. Cette toxine est produite naturellement par les plantes herbacées du genre Podophyllum, dont certaines espèces poussent au Québec, pour tenir à bonne distance ses envahisseurs potentiels.

La bléomycine est un antibiotique qui est produit naturellement par une bactérie, le Streptomyces verticillus, pour empêcher le développement d’autres bactéries qui pourraient nuire à sa croissance.

Finalement, le paclitaxel est une substance naturelle retrouvée dans l’écorce d’un arbre, l’if du Pacifique. Durant près de 25 ans, l’obtention du paclitaxel se faisait presque exclusivement grâce à l’arbre, car la synthèse du composé en laboratoire était quasi impossible devant la complexité de la formule chimique. Encore aujourd’hui, la compagnie qui vend le produit recourt à une extraction semi-synthétique du produit à travers l’écorce de l’arbre.

Ainsi, le terme chimique ne signifie pas qu’il n’y a rien de naturel, bien au contraire. Mère Nature nous prouve encore tous les jours que nous ne sommes pas prêts d’égaler ses compétences de chimiste !

Jean-Philppe Boucher